"Il n’existe aucun cas d'école pour nous aider à prendre nos décisions" – Denis Rousseau (Eurosit)

OVRSEA part chaque mois à la rencontre de ses clients chargeurs pour évoquer l'actualité du fret et de la logistique ainsi que les défis à venir. Cette semaine, rencontre avec Denis Rousseau.

OVRSEA part chaque mois à la rencontre de ses clients chargeurs pour évoquer l'actualité du fret et de la logistique mais aussi les défis à venir. Denis Rousseau, responsable des achats chez Eurosit, évoque comment l’extrême niveau d’incertitude bouleverse au quotidien son pilotage de la logistique et des transports.

Bonjour Denis, qui êtes-vous ?

Après un parcours dans le secteur automobile, notamment chez Valéo, je suis depuis 4 ans le responsable des achats d’Eurosit. Basé à Nevers, Eurosit est un fabricant français de sièges de bureau qui fait partie du groupe Sokoa, basé à Hendaye, lequel compte au total 600 salariés. Le groupe est le leader français du secteur. Chez Eurosit, nous travaillons en B2B avec beaucoup de grands comptes, comme la SNCF, EDF, les aménageurs, les grandes banques, SAFRAN, les mutuelles et assurances ou encore Renault, mais aussi des organismes d’Etat.

Quelles sont les caractéristiques de la société en termes de transports et de logistique ?

Notre site de production est situé à Nevers et nous importons nos composants en très grande majorité d’Europe, et pour une moindre mesure de Chine. Nos modes de transport principaux depuis l’Asie sont le maritime et le ferroviaire, bien que ce dernier ne soit plus à l’ordre du jour à cause de la guerre en Ukraine. Mais jusque-là, nous avons pu tirer profiter des atouts du rail, notamment grâce à la réactivité et l’expertise d’Ovrsea.

Comment avez-vous absorbé le choc de la crise sanitaire dès 2020 ?

Nous avons réagi dès la fin 2019 en constituant rapidement 6 mois de stock, contre trois auparavant, ce qui nous a permis de maintenir la production et traverser la crise du Covid, du blocage du canal de Suez et les autres fermetures ou congestions portuaires depuis deux ans. Au vu de la perturbation actuelle, des pénuries de composants et de la forte instabilité géopolitique, nous venons d’ailleurs de prendre la décision de passer à 8 mois de stock.

Envisagez-vous de relocaliser encore plus la production de vos composants ?

Il est clair que nous voulons réduire au maximum notre dépendance avec l’Asie. Sur les quelques pièces techniques simples en co-production avec nos partenaires locaux, il est assez facile de rapatrier la production en Europe et c’est ce que nous faisons. En revanche, pour certains composants, dont force est de constater que certaines technologies sont presque exclusivement asiatiques, que ce soit pour des raisons financières ou de capacités de production, il va être difficile de se passer de cette production chinoise à court et moyen terme.

Le niveau d’incertitude global reste extrêmement élevé. Comment vous projetez-vous dans un avenir plus ou moins proche ?

Il est devenu très difficile de se projeter même à un ou deux mois. Autant, en 2020 et 2021, nous avons géré des crises ponctuelles sur des composants très spécifiques, mais avec la crise en Ukraine et le Covid en Chine, il n’y a plus aucune visibilité. Je reçois tous les jours des courriers sur des risques potentiels ou majeurs de pénurie et cela a tendance à s’accentuer. Nous nous préparons au pire, en espérant qu’il n’arrive jamais. A ce titre, nous avons récemment pris une décision forte : mettre en stock nos composants sur une gamme de sièges pour nous stratégique, afin de nous concentrer sur celle-ci et continuer à satisfaire nos clients, quitte à laisser au second plan d’autres gammes moins importantes. Dans toute ma carrière je n’ai jamais vécu une telle situation. Nous devons revoir nos stratégies et nos décisions de fond en comble et en permanence, selon les dernières informations du jour.

Justement que représente pour vous une source d’info comme Le Chargeur ?

Dès que je le reçois, je m’empresse de le lire. S’informer en continu est devenu indispensable pour ajuster au mieux sa stratégie. On agit désormais au jour le jour, en lien direct avec nos fournisseurs et partenaires comme Ovrsea. Ce que nous vivons est sans précédent et il n’existe aucun cas d'école à l’heure actuelle pour nous aider à prendre nos décisions. Tout est feeling et professionnalisme, de la pure gestion de crise. Bien sûr quand on sort d’une année 2021 sans aucune rupture de production et avec une marge, malgré les 10 ou 12 crises traversées, c'est formidable, il y a de la fierté pour toute l’équipe. Malgré les difficultés, tout cela reste ultra-formateur et nous permet d’avancer en professionnels. Nous serons plus forts dans nos stratégies futures.