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"La baisse des taux est la bienvenue mais n’influe pas sur notre stratégie transport"– Mathieu Rigouin (LightScientists)

Écrit par
Publié le
11
October
2022

OVRSEA part régulièrement à la rencontre de ses clients chargeurs pour évoquer l'actualité du fret et de la logistique mais aussi les défis à venir. Cette semaine, rencontre avec Mathieu Rigouin, directeur logistique du groupe Light Scientists.

Bonjour Mathieu, pouvez-vous nous parler de Light Scientists et de ses caractéristiques en termes de transport et de logistique ?

Light Scientists est un groupe français de 55 salariés, constitué il y a deux ans après le rachat de deux acteurs majeurs de l'éclairage LED professionnel en France : Signcomplex et Airis LED. Nous sommes apporteurs de solutions d’éclairage LED pour les marchés tertiaire, industriels, logistiques et d’équipements sportifs. Côté transports, nous réalisons beaucoup d'import d'appareils d'éclairage depuis l’Asie, et la Chine en particulier. Cela représente une centaine de conteneurs 40 pieds par an en moyenne, avec un ou deux départs par semaine. Avant 2020, nous avions davantage recours à l’aérien, désormais réservé aux urgences. La hausse des taux dans l’aérien, couplée à la baisse générale des prix des éclairages LED en France, nous a incité à généraliser le transport maritime. Toute notre supply chain est gérée par nos équipes internes pour une meilleure maitrise de nos opérations.

Nous sortons (d’un point de vue tarifaire du moins) de deux ans hors norme. Ressentez-vous ce retournement du marché au quotidien ?

Oui, nous l’observons, avec une baisse de quasiment 25 % sur les taux de fret dollars entre le pic de juillet et début septembre (soit -11% en conversion Euros). Comparé à 2019 nous restons à une progression de l’ordre de 300%. Cependant, nous n’en bénéficierons pas immédiatement car nous étions, sur le deuxième trimestre, en contrat NAC (Name Account Contract) avec CMA CGM, afin de stabiliser nos délais d'approvisionnement et nos départs. Ce contrat nous aura permis de diffuser des ondes positives d’amélioration générale de la supply chain du groupe auprès de nos équipes et partenaires. Cette baisse est la bienvenue mais n’influe pas sur notre stratégie transport : notre priorité est de charger nos productions en temps et en heure dans nos conteneurs afin d’éviter le recours au transport aérien.

C’est toujours une bonne nouvelle de voir les taux baisser, mais je reste prudent car d’autres facteurs viennent se rajouter à la situation actuelle. L'euro s'affaiblit face au dollar (-15% en un an), ce qui vient contrebalancer l'avantage des taux de fret en baisse, alors que nous avions été contraints d’augmenter nos prix de vente en 2021 du fait de l’explosion du fret maritime, la baisse ne nous permet pas de rebasculer cette baisse sur le marché, au contraire, nous sommes contraints d’augmenter nos prix de vente du fait essentiellement de l’évolution du dollar sur nos productions. L'horizon reste brumeux.

On parle beaucoup de l’accumulation des stocks depuis 2020, en Europe comme aux Etats-Unis, qui serait en partie en cause dans l’absence de peak season. Etes-vous dans ce cas de figure ?

Oui, nous avons doublé nos stocks sur nos deux structures majeures au cours des deux dernières années. D’un côté, la profondeur de stock nous a permis de renforcer nos ventes, mais de l’autre, cela a généré des difficultés de gestion de logistique interne. Nous avons manqué de place et avons dû nouer des partenariats en urgence pour stocker. Aujourd’hui, avec une meilleure maitrise des données, notre niveau de stocks redevient plus équilibré et nous subissons moins de ruptures qu’avant.

Comment anticipez-vous les mois à venir pour vos transports ?

Le schéma n’est pas tout à fait clair sur ce que nous réservent les compagnies maritimes. Avec le retour annoncé des blank sailings depuis la Chine, nous risquons d’affronter de nouvelles difficultés sur les transit times (TT). En parallèle, le transport intérieur routier augmente en France du fait de la taxe gasoil (+15 % en un an), ce qui nous oblige à effectuer des arbitrages pour rééquilibrer nos transports hexagonaux.

Comment avez-vous vu votre métier évoluer depuis 2020 ?

Le métier n’a plus rien à voir ! Nous sommes repartis d’une page blanche, il a fallu apprendre à marcher sur des sables mouvants. Concrètement, nous avons restructuré notre pôle import et logistique et développé un outil interne pour tracker les conteneurs et nos fournisseurs – car la crise des composants nous a aussi durement affecté –, avec l’application de KPIs. Nous avons affiné nos modes de calcul des délais de livraison, fournisseur par fournisseur. En parallèle, le contexte nous a obligé à devenir beaucoup plus transparents et pédagogues en interne comme en externe.

Enfin, est-ce que cette crise vous a incité, comme d’autres, à envisager de quitter la Chine ou tout du moins d’en réduire l’importance dans vos approvisionnements ?

Oui, ce sont des problématiques qui nous animent depuis quelques mois. Il est clair que la température géopolitique et économique est élevée, donc nous devons regarder de plus en plus vers l'Europe. Cela crée évidemment de nouvelles difficultés pour nous, car les prix sont supérieurs, mais de l’autre côté, nous bénéficierions de l’absence de douane et de TT bien meilleurs, donc moins de stockage serait à prévoir. Nous sommes au stade de la réflexion, mais il est clair que, sur certaines gammes, nous allons déplacer le curseur vers l’Europe.