"Nous avons dû sortir d'un modèle de transitaire unique" – Hervé Sergeraert (Petzl)

OVRSEA part chaque mois à la rencontre de ses clients chargeurs pour évoquer l'actualité du fret et de la logistique ainsi que les défis à venir. Cette semaine, rencontre avec Hervé Sergeraert.

OVRSEA part chaque mois à la rencontre de ses clients chargeurs pour évoquer l'actualité du fret et de la logistique mais aussi les défis à venir. Cette semaine, rencontre avec Hervé Sergeraert, Supply Chain Director de Petzl, un groupe français qui fait partie des leaders mondiaux des équipements d'alpinisme, d'escalade et de spéléologie. Comment Petzl s’adapte et change alors qu’il vise une empreinte carbone réduite de 50 % d’ici 2030 ? Rencontre.

Bonjour Hervé. Pouvez-vous vous présenter, ainsi que Petzl ?

Après plus de 20 ans passés chez Bosch, j’ai rejoint le groupe Petzl en 2015, où j’ai occupé le poste de directeur programme puis de directeur supply chain depuis 2020. Petzl est une entreprise familiale basée à Crolles, près de Grenoble, spécialisée dans les solutions apportées aux utilisateurs pour progresser dans des univers verticaux ou obscurs en toute sécurité. Nos produits sont diffusés aussi bien pour le loisir (escalade, alpinisme, canyoning…) que pour des professionnels.

Quelles sont les particularités de Petzl en termes de logistique ?

Nous avons des flux amont qui concernent l'Asie, avec un point central en Malaisie où nous possédons une usine et une plateforme logistique, laquelle permet de distribuer ensuite vers deux plateformes en aval : une à Crolles, dans l’Isère, et aux États-Unis. Nous avons aussi trois usines en France, avec un flux depuis notre plateforme française vers Salt Lake City. Enfin, nous possédons une dernière plateforme logistique en Suède pour le marché scandinave.

Qu’est-ce qui a changé pour vous depuis 2020 ?

En 2019, notre univers transports était parfaitement réglé. Nous avions un contrat avec un transitaire et ça ronronnait. En deux ans, tout a été bouleversé. Outre les prix, les TT ont considérablement augmenté : de 63 jours à 100 jours en moyenne sur Malaisie-États-Unis ou de 34 à 65 jours entre la France et les États-Unis. Tout cela a eu une incidence considérable sur nos stocks. Des TT augmentés de 30 jours, c’est un mois de couverture de stock flottant indisponible pour les clients. À cela sont venues s'ajouter des pénuries de composants et de matières. Tout ceci a impliqué enfin des questionnements en matière de transports, notamment un basculement rendu parfois inévitable vers l’aérien, dont la part a été multipliée par 3 ou 4 pour nous depuis le début de la crise.

Qu’avez-vous fait pour amortir le choc ?

En mars 2020, j’ai pris la décision assez radicale de rendre fermes toutes les commandes d'achats passées à nos fournisseurs, afin de leur apporter un engagement et une visibilité de long terme. À une époque où tout le monde freinait, Petzl s'engageait ! Nous avons tenu cette approche depuis le début et elle nous a aidés. Au printemps 2021, elle s’est toutefois avérée insuffisante face aux nouveaux soubresauts des supply chains…

Comment abordez-vous cette fin d’année côté transports ?

Je constate une certaine stabilisation sur les prix, les TT et les temps de mise à disposition des conteneurs. Pour y parvenir, nous avons dû sortir d'un modèle de transitaire unique et choisir un modèle à trois transitaires ou entreprises de services. Nos préoccupations tournent donc désormais davantage autour de nos fournisseurs, frappés par les fermetures d’usines et les pénuries de matières brutes.

Une autre particularité est qu’avec mes équipes, nous collaborons à la démarche RSE de Petzl, engagé à réduire de 50 % l’intensité carbone de son activité d’ici 2030. Savoir accélérer les flux pour éviter les ruptures tout en limitant les transports aériens, il y a de quoi créer de la complexité ! Tout est question d’arbitrages.

Pour Petzl, cet engagement environnemental se traduira par des changements logistiques profonds ?

Oui, nous allons construire un réseau de plateformes de distribution au plus près de nos clients. Cela doit se concrétiser dès 2023 avec l’ouverture d’une plateforme 3PL en Chine, qui nous permettra de réduire de 90 % tous nos gaz à effet de serre émis sur le territoire chinois. Mais pour l’heure, la crise sanitaire rend difficile les déplacements en Chine… ce qui ne facilite pas la tâche !

Comment voyez-vous 2022 ?

Je vois un premier semestre 2022 compliqué. Le plus gros des difficultés des pénuries de composants et de matière est devant nous. Sur le transport maritime, beaucoup de signaux me font penser que nous avons peut-être passé le pic, mais je resterai très vigilant jusqu’au CNY. Mais je crois qu’on ne reviendra jamais à la situation tarifaire de 2019.

Un mot sur Le Chargeur et l’importance de s’informer dans un tel contexte ?

C’est pour moi l’une des meilleures newsletters sur le sujet, elle parvient à rester concise tout en donnant de l’information en phase avec mes préoccupations. Elle aborde aussi des alternatives, comme le ferroviaire, sujets auxquels je me dois de m’intéresser en vue de l’ouverture de notre future plateforme chinoise.